Le Blanchiment des capitaux liés aux groupes armés et autres réseaux criminels au Sud-Kivu et au Nord-Kivu, RD Congo

Catégorie
Date de publication
avril-2024

La présente étude sur le blanchiment des capitaux issus des groupes armés et des réseaux criminels actualise l’état des savoirs dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en proie à une économie alimentée dans une certaine mesure par des activités illicites liées à l’accès et au contrôle des ressources naturelles. Les résultats de cette étude mettent en lumière plusieurs aspects clés de cette économie informelle, voire clandestine et de ses implications sur la stabilité socio-économique et politico-sécuritaire au niveau provincial, national et régional.

Tout d’abord, l’analyse juridique démontre que la République Démocratique du Congo dispose d’un cadre législatif récent (loi n° 22/068 du 27 décembre 2022) qui s’avère être consolidé par rapport aux enjeux de la criminalité financière contemporaine pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ainsi que la prolifération des armes. Cependant, des défis importants subsistent en ce qui concerne la mise en œuvre et l’efficacité de cette loi, en particulier dans un contexte de corruption généralisée. Bien plus, le cadre institutionnel issu de cette loi, le CENAREF notamment, demeure centralisé à Kinshasa ; il présente ainsi une efficacité relative et des résultats mitigés pour lutter contre le blanchiment des capitaux, en particulier dans les contextes périphériques de l’État (Provinces, Entités territoriales décentralisées).

Ensuite, l’étude traite des mécanismes et procédés de blanchiment en s’appuyant sur des données empiriques collectées dans les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu. Au Sud-Kivu, l’analyse des données révèlent que les groupes armés et les réseaux criminels ont recours à une variété des méthodes et des secteurs pour dissimuler leurs revenus illicites. Les secteurs du commerce, du transport, des transferts d’argent virtuels, des institutions financières, de l’immobilier et de la fonction publique sont identifiés comme des domaines où le blanchiment d’argent prospère. Les groupes armés et les réseaux criminels ont su exploiter les failles de ces secteurs pour dissimuler leurs fonds et légitimer leurs activités illégales. De plus, il est devenu évident que les fonctionnaires publics au Sud-Kivu sont particulièrement vulnérables à la corruption en raison de salaires insuffisants et de pratiques de recrutement basées sur des critères peu objectifs. Leur implication consciente ou inconsciente dans des activités de blanchiment d’argent à travers des pratiques clientélistes et néopatrimonialistes compromet davantage la structure dorsale de l’État et sa capacité à lutter contre la criminalité. Cette recherche met en évidence l’importance cruciale de comprendre les mécanismes de blanchiment d’argent dans une économie locale criminalisée. Elle souligne également la nécessité d’améliorer la mise en œuvre des lois anti-blanchiment et de renforcer les mécanismes de contrôle dans les secteurs clés identifiés. En fournissant ces informations, ce rapport aspire à soutenir les efforts visant à lutter contre le blanchiment des capitaux au Sud-Kivu, à promouvoir la stabilité régionale et à créer un environnement propice au développement économique légitime de l’État et de ses populations longtemps meurtries par l’activisme armé. Les recommandations à l’attention des décideurs politiques et de la communauté internationale permettraient à ceux-ci de prendre des mesures éclairées et d’orienter leurs interventions dans le sens de transformer cette réalité complexe et sombre en une opportunité de changement positif pour la stabilité sécuritaire et le progrès durable de l’Est de la RDC.

Au Nord-Kivu, notamment à Goma et dans ses périphéries, il se dégage que les groupes armés et des réseaux criminels sont significativement impliqués dans le blanchiment des capitaux en ville de Goma. Les Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), le M23 depuis sa résurgence et d’autres milices congolaises exploitent intensivement le Parc National des Virunga pour produire du charbon de bois, une ressource précieuse, ainsi que d’autres ressources naturelles, notamment les terres hyper-fertiles de la zone protégée en vue de financer leurs activités subversives et ainsi que la survie de leurs membres. Les produites de leurs activités génèrent suffisamment de ressources financières qui finalement sont blanchies de diverses manières dans l’économie locale. Ces groupes exercent également une pression sur les populations locales notamment par des prélèvements d’impôts et taxes, en espèces ou en nature, générant ainsi des revenus supplémentaires. Les enlèvements de personnes contre le versement de rançons élevées (kidnapping) sont aussi une activité payante pour les groupes armées au Nord-Kivu. Dès lors, le blanchiment de capitaux par le biais d’investissements dans le commerce (prêts), l’immobilier, les moyens de transport, et l’utilisation de « cambistes » et de services de transfert d’argent, est au cœur de l’interaction entre la Ville de Goma et ses périphéries où fleurissent les groupes armés. Cette situation s’illustre par une série de pratiques complexes et variées d’exploitation de ressources illégales et de préjudices envers les populations locales. Dans ce contexte, les « cambistes », les services de transfert d’argent et les banques sont souvent utilisés pour gérer leurs liquidités blanchies, masquant ainsi l’origine illicite de leurs fonds. L’ensemble de ces pratiques alimente l’insécurité et les conflits armés dans la région, perpétuant ainsi un cercle vicieux d’instabilité et d’impacts économiques sur la ville de Goma.

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.